Ce que nous apprend Kolmogorov, c’est qu’avant de parler de probabilités au sens mathématique, il faut définir l’espace dans lequel on se situe.
La probabilité est une mesure et avant de procéder à cette mesure, il faut définir l’objet de notre mesure. La démarche axiomatique commence donc par la définition d’un espace de probabilités doté de certaines propriétés. Il nous faut :
A un ensemble ? d’évènements élémentaires
B des classes d’évènements A qui sont des sous ensemble de ?
C un procédé de mesure de la probabilité P(A), associée à tout sous ensemble A de ?.
Cette mesure P(A) est comprise entre 0 et 1 et elle doit vérifier certaines propriétés qui ne sont en fait que la traduction en langage mathématique du concept intuitif de probabilité.
De plus les classes doivent former ce qu’on appelle « une Tribu » en mathématiques mais nous ne nous étendrons pas sur ce fait qui n’a aucune importance dans le cadre de cet exposé.
Donc, en matière de bridge nous aurions du choisir notre référentiel. Les faits qui nous intéressent sont : la répartition des couleurs, la situation de certaines cartes, la force d’honneurs, … Nous avons conscience que selon les hypothèses auxquelles nous nous intéressons, les faits qui les caractérisent sont plus ou moins rares et que donc, il est légitime d’attacher une probabilité à ces hypothèses. Pourquoi, par exemple une distribution 9211 sera t–elle plus rare qu’une distribution 4432 ?
Parce que le procédé qui consiste à mélanger les 52 cartes, et à les distribuer une par une, produit plus rarement un 9211 qu’un 4432.
Tout simplement.
Comment quantifier la rareté du 9211 ?
En comptant toutes les mains possibles que peut produire la distribution des 52 cartes et en évaluant parmi elles la proportion des 9211.
Cette proportion est la probabilité pour que la distribution aléatoire nous octroie un 9211.
Quelle que soit l’hypothèse formulée, pour évaluer sa probabilité, on pourra comme dans cet exemple, se tourner vers la distribution aléatoire des cartes et faire le ratio des cas favorables à l’hypothèse et des cas possibles.
Voilà un bon début pour construire un système de probabilités.
? Ceci étant admis, nous allons considérer que l’ensemble des mains possibles issues de la distribution aléatoire est l’ensemble ? d’évènement élémentaires qui fonde notre système de probabilités.
? Les sous – ensembles A qui forment les classes sur lesquelles on veut évaluer la probabilité coïncident avec l’ensemble des parties de ? . Toute partie de ? même si elle contient une main unique peut être dotée d’une probabilité cohérente.
? Dans ? , les mains vérifiant une hypothèse H forment un sous ensemble A (qui peut être ? lui-même ou l’ensemble vide). Le rapport du nombre de mains de A au nombre de mains de ? est un nombre compris entre 0 et 1 vérifiant toutes les propriétés qui permettent de le qualifier en tant que probabilité (nous ne le démontrerons pas ici).
On dit que ce nombre est « la probabilité de A (ou de H) dans ? ».
Ceci étant posé,
Quelle est l’influence du stade auquel on évalue la probabilité sur la probabilité?
On distingue les stades suivants :
? le stade où les cartes ont été distribuées mais où aucun joueur n’en a pris connaissance (Quelle est la probabilité que l’une des mains comporte 7 cartes à pique ?) C’est le stade E0.
? le stade des enchères où chaque joueur a pris connaissance de son jeu et spécule sur les probabilités en fonction de son propre jeu (Quelle est la probabilité pour que je sois fitté dans telle couleur ? Quelle est la probabilité pour que mon partenaire ait plus de 10H ?).
C’est le stade E1.
? le stade où chaque joueur prend connaissance du mort. Chaque joueur spécule en fonction de ses propres cartes et de celles du mort. (Quelle est la probabilité du partage 32 des trèfles ? Quelle est la probabilité de telle ligne de jeu ?) C’est le stade E2.
? le stade où les joueurs ont commencé le jeu de la carte. Chaque joueur spécule en fonction des cartes situées (localisées de façon certaine) chez les autres et de ses propres cartes. (sachant qu’il reste 3 piques dans la main d’ouest et aucun pique dans la main d’Est, la D? est plus probable en Est). C’est le stade E3. Au regard de notre définition de la probabilité nous devons faire une constatation dont l’évidence ne peut être contestée: Evoluer d’un stade à un autre ne signifie pas qu’on conserve la définition de l’ensemble ?qui était en vigueur au stade précédent et qu’on s’intéresse à la probabilité d’un sous ensemble de ?.
Evoluer d’un stade à une autre revient à réduire ?.
Par exemple, au stade E0, vous pouvez imaginer des mains possibles chez chaque joueur qui contiennent le 2?, mais, au stade E1, quand vous prenez connaissance de votre jeu :
- Soit le 2? est chez vous et toutes les mains possibles qui pouvaient le situer chez un autre joueur ont disparu de ?.
- Soit le 2? n’est pas chez vous et toutes les mains possibles qui le situaient chez vous ont disparu de ?.
Si le nombre de mains possibles a diminué dans ?, c’est bien qu’il a été réduit.
Que les probabilités soient affectées par ce processus est un fait évident :
Par exemple, si Sud s’intéresse à la probabilité pour que le 2? soit en Ouest.
Au stade E0, il constitue le sous ensemble A des mains qui, dans ?, attribuent le 2? à Ouest, il les compte, il en divise le nombre par le nombre de mains de ? attribuées à Ouest et il trouve que cette probabilité est 1/4.
Au stade E1, si le 2? est chez lui la probabilité pour que le 2? soit en Ouest est devenue 0 , si le 2? n’est pas chez lui, cette probabilité est devenue 1/3 .
Note MICROPERSO : Ce qui vrai pour le 2? est vrai pour n'importe quelle carte du jeu !!!!!!
Du moment que ? n’est plus le même d’un stade à l’autre, toutes les probabilités sont à priori différentes d’un stade à l’autre et on doit les recalculer.
À la lumière de ces constatations, on peut réexaminer la notion de stade et la définir comme suit :
Au cours du déroulement d’une donne de bridge, on peut appeler « stades » les étapes qui débouchent sur une réduction de l’ensemble ? des mains possibles par rapport à ce qu’il était à l’étape précédente.
Ce qui signifie qu’à y regarder de plus prés, le stade E3 du jeu de la carte n’est pas à proprement parler un stade. La localisation de toute carte ou de tout ensemble de cartes débouche sur une nouvelle définition de l’ensemble des possibles, ce qui fait que
Le jeu de la carte est décomposé en une succession de stades. Chaque stade correspond à la fourniture d’une carte qui jusque là était considérée comme inconnue (ou plutôt non localisée) par le joueur qui évalue la probabilité
Ceci dit, en règle générale, tout joueur n’apprécie utilement la probabilité qu’à l’issue de chaque levée, ce qu’il fait qu’il va considérer les stades intermédiaires comme secondaires.
Aux premiers stades d’une donne (E0 à E2) l’information qui nous permet de modifier ? nous parvient de manière brutale, par paquets de 13 cartes. (aucune carte localisée, mes 13 cartes localisées, les 13 cartes du mort localisées) .
Aux stades suivants, la communication de l’information est progressive et dépend de l’ordre dans lequel sont jouées les cartes.
Au début du jeu de la carte, toute carte jouée fait disparaître un grand nombre de mains possibles de ? (des millions). Ce nombre diminue au fur et à mesure que la donne se déroule. Mais le rapport des mains possibles entre un stade et le stade suivant est tel (de l’ordre 2 , 3 ou plus selon la quantité d’information véhiculée par chaque carte) qu’on peut considérer qu’il s’agit d’un véritable changement d’échelle au sein du paysage des possibles. L’importance de ce rapport d’échelle permet d’apprécier l’importance de la fourniture d’une carte, quelle qu’elle soit, dans le processus qui débouche sur la modification des probabilités.
Voir ICI un article personnel sut les calculs élémentaires de probabilité appliquées au bridge et qui sont des conséquences de cette loi de KOLMAGOROV